Sumi-e

Lavis japonais

Le lavis est une technique de peinture consistant à n’utiliser qu’une seule couleur (à l’aquarelle ou à l’encre de Chine) qui sera diluée pour obtenir différentes intensités. Le blanc est obtenu par la blancheur du support ou parfois par rehaut de blanc (craie, gouache, voire même du lait…). Le sumi-e, 墨絵 aussi appelé suiboku-ga, est le nom japonais du lavis à l’encre. Il est né en Chine et a été repris par les artistes japonais au 14e siècle grâce aux moines bouddhistes Zen. La peinture sumi-e et la calligraphie chinoise sont liées car la technique du pinceau dans ces deux disciplines est identique. Le sumi-e représente une forme d’art à part entière mais c’est aussi une philosophie. Le sumi-e est intimement lié au zen, religion orientale dérivée du bouddhisme qui a pour objectif la cessation de la souffrance (la voie pour y parvenir passe par la méditation zen). D’ailleurs, la posture pour pratiquer la méditation zen et le sumi-e sont identiques. Le sumi-e est l’expression de la perception de l’artiste et il transmet l’essence de ce qu’il représente, plante, animal, poissons, fleurs, etc. Contrairement à la peinture occidentale c’est la suggestion qui supplante le réalisme. La peinture orientale sumi-e est constituée seulement d’encre noire ; c’est la simplification la plus élevée de la couleur en comparaison avec la peinture occidentale qui utilise toute la palette de couleurs pour former lumières et ombres. Le style de dessin est simple et résulte de touches fortes, expressives et dynamiques du pinceau.

Une forme de méditation

La pratique du sumi-e passe aussi par la méditation et la maîtrise des émotions pour atteindre un état de concentration où seul le trait existe. Dans cet art où “l’esprit précède le pinceau”, le peintre doit être totalement présent à son travail, ici et maintenant, de sorte que sa main ne soit plus que le prolongement de sa pensée. C’est en ce sens que la voie de l’encre constitue une véritable forme de méditation, au même titre que le zazen.

Un art japonais traditionnel

Le sumi-e est plus particulièrement utilisé au Japon pour réaliser des éventails, paravents, kakemono (rouleau de peinture ou de calligraphie suspendu dans le tokonoma1), emakimono (histoires peintes sur des rouleaux),… et peut accompagner des poèmes. La voie de l’encre partage d’ailleurs avec les autres arts traditionnels japonais, comme les bonsaï, de nombreux principes fondamentaux : approche de la nature, goût de l’essentiel et de l’harmonie.

Matériaux

Les pinceaux (fude)

En Asie les pinceaux pour le sumi-e sont faits de poils de chèvre, cerf ou sanglier. Il est important qu’un pinceau puisse faire des lignes dans différentes nuances. Un bon pinceau de sumi-e doit permettre de créer différentes valeurs de ton et dégradés, et il doit changer la forme de la ligne en même temps. Les poils du pinceau ne doivent pas être trop flexibles.

Les pierres à encre (suzuri)

Les pierres à encre pour le sumi-e sont généralement en schiste. Une pierre a habituellement un réservoir pour l’eau à côté de la surface sur laquelle vous utilisez le pain d’encre. La pierre à encre doit être nettoyée après chaque utilisation.

Les pains d’encre (sumi)

Les pains d’encre sont un amalgame de différents colorants et contiennent souvent des graisses organiques comme liant. L’art du sumi-e distingue les pains d’encre bleutés et les pains d’encre virant vers le sépia. Pour obtenir de l’encre liquide, le pain d’encre est frotté énergiquement -en mouvements circulaires- sur la partie plane de la pierre à encre porteuse de quelques gouttes d’eau. L’encre va alors s’écouler dans le creux de la pierre et constituera votre matériau de travail. Pour peindre il est indispensable d’avoir au moins deux récipients - un pour l’eau et un autre pour diluer et mélanger différentes nuances d’encre.

Le papier

Il y a plusieurs options dans le choix des papiers mais les meilleurs papiers sont faits à partir des fibres de mûriers.

Technique

Cette technique exige un mélange de contrôle de soi et de spontanéité. C’est l’harmonie intérieure qui guide la main et mène le pinceau selon l’expression des sentiments intérieurs de l’artiste. Le sumi-e est un exercice spirituel ! : par exemple le frottement du pain d’encre sur la pierre à encre dure un certain temps et ce temps est consacré à la méditation. Il est construit sur le signe ‘huit’ allant dans les deux sens du réservoir de l’encre (océan) à la surface de meulage (terre). Le pinceau est vertical et perpendiculaire au papier. Il doit être tenu légèrement entre deux ou trois doigts et votre pouce, au milieu du manche, loin de la tête, de sorte que votre bras soit presque parallèle à la surface de travail. En faisant des traits de pinceau, la main et le poignet ne se déplacent jamais ou à peine. C’est le bras qui doit effectuer la plus grande partie du travail.

Expérience personnelle

J’ai toujours aimé peindre et dessiner et j’ai vécu quelques années vécues à Tokyo (Japon) où mon mari a été envoyé pour son travail. Là-bas, j’ai eu l’occasion et la chance de découvrir quelques aspects de la culture japonaise très traditionnelle, souvent transmise de génération en génération dans une même famille.

J’ai eu l’opportunité, entre autres, de pratiquer la peinture à l’encre… de Chine (sumi-e, 墨絵) et d’être l’élève du professeur –sensei, ce qui veut dire ‘maître’- Suiko Ohta :

Suiko Ohta peint depuis l’âge de 5 ans suivant les pas de sa mère, Shoko Ohta, et de sa grand-mère, Shutei Ohta. Elle a découvert la culture étrangère en étudiant en Suisse et aux Etats-Unis puis est revenue au Japon, fascinée par la culture traditionnelle japonaise. La peinture de Suiko Ohta est un exemple d’équilibre et d’énergie. Toujours très occupée entre cours et expositions, elle pratique le sumi-e (peinture à l’encre), le nihonga (peinture aux pigments), la peinture sur porcelaine… Elle offre à tous ses élèves un autre regard sur la culture japonaise, la nature, l’équilibre des images.

Depuis début 2012, mon professeur japonais m’a confié d’accompagner quelques élèves de retour du Japon et nous avons démarré, avec quelques non-initiés, un petit atelier de lavis japonais… Nous nous retrouvons une après-midi par mois pour découvrir ensemble la richesse de l’encre et du pinceau : peu d’outils et, pourtant, une foule d’expressions possibles.

(À titre indicatif, je demande 30 € pour la participation à ces ateliers de 3 heures.)


  1. Le tokonoma, élément essentiel de la décoration d’intérieur traditionnelle, est une petite alcôve au plancher surélevé où l’on expose des calligraphies, des ikebana (décorations florales) ou des objets d’art. ↩︎